vendredi 23 novembre 2018

Haute-Garonne : Revel, Musée et Jardins du Canal du Midi (sept. 2018)



Le Canal du Midi, bien plus qu'un simple canal, un exploit !










Il fait très beau, le soleil brille, un temps à nous donner envie d'une balade et les "Journées du Patrimoine" offrent l'occasion de faire quelques belles découvertes.
Elles permettent par exemple de visiter le beffroi de la belle halle de Revel qui n'est pas accessible en permanence. 
Cela passe par l'inscription à l'office du tourisme pour la prochaine visite, le nombre de personnes étant limité en fonction de ce que peut supporter le plancher et de l'espace assez réduit. 


Haute-Garonne

Haute-Garonne

Un bel écusson dans la montée d'escalier qui mène au 1er étage du beffroi.

Détails de la charpente de la halle

Ce qui nous intéresse bien entendu, c'est la vue sur la ville, mais rien n'empêche d'être surpris par la hauteur des fenêtres (3 m), le nombre de médailles obtenues par la fabrique "Get"...





...d'approfondir l'histoire de Revel.


Un panneau intéressant :
"LA CHARTE DE FONDATION DE REVEL
ANALYSE D'UN PARCHEMIN
 Louis, par la grâce de Dieu, roi de France, faisons savoir à tous présents et à venir que nous avons été supplié de sa part de consuls et habitants de l'université et communauté du lieu ou bastide appelée Revel, de daigner confirmer les lettres dont la tenue est telle...
LA CHARTE : objectif, composition.
Elle a été établie sur le modèle des chartes accordées à d'autres bastides à cette époque. Les 89 articles qui la composent se suivent en désordre sans ordonnance ni méthode. Elle permet de mieux saisir l'organisation, les obligations, les droits et les privilèges accordés aux habitants, on relève 8 grands thèmes : 
- l'établissement proprement dit de la bastide
- l'organisation municipale  
- l'organisation judiciaire
          - le régime des personnes

          - les affaires criminelles et mœurs

          - le régime des terre - charges féodales et municipales

          - le commerce

          - les fortifications

LA CHARTE : les articles 
1. à savoir que le dit lieu avec toutes se apparences demeurera tous les jours sous la juridiction du roi, notre seigneur, et qu'il ne pourra transporter ledit lieu à un autre, que celui qui sera seigneur de Toulouse.
4.  il y aura dans ladite bastide six consuls ......
13. les consuls connaîtront au nom du roi des fausses mesures du vin, des viandes...
14. les consuls auront et feront construire des boucheries...
15. que les dits consuls aient en leur juridiction les eaux pluviales, fenêtres, trous, lucarnes...
22. que les consuls de la dite université puissent fermer la dite ville et son intérieur, ou à l'entour faire des fossés, retranchements, portes, murailles et tours...
28. les habitants de la dite bastide et ses appartenances sont libres et exempts de péage pour les choses ou marchandises...
47. que si quelqu'un tire malicieusement l'épée contre autrui, qu'il soit condamné à 20 sols tournois envers le roi...
50. si quelqu'un est surpris en adultère, il aura à choisir comme peine soit de courir à travers la ville...soit de payer pour chaque coupable 60 sous toulousains
83. il y aura une prison convenable et apte à son but...
88. les consuls feront changer à leur dépens le cours des eaux du Sor et du Laudot et ils y feront construire des moulins"
L'article 28 a particulièrement retenu mon attention à l'heure où une taxe à l'entrée des grandes villes se propage à l'horizon et se discute âprement.  On pourrait presque dire autre temps, même taxation !



Porte de la prison qui se trouvait au 1er niveau du beffroi

Nous voici enfin au-dessus des toits !


Haute-Garonne

Haute-Garonne

Haute-Garonne
Dans le lointain, Saint-Félix-Lauragais.

Au zoom, on aperçoit le château et le clocher de Saint-Félix-Lauragais.

Haute-Garonne


Nous quittons la bastide pour le lac Saint-Ferréol situé à quelques kilomètres au-dessus de Revel.
Avant de goûter aux joies des berges du lac, nous allons assouvir notre méconnaissance de tout ce qui concerne le Canal du Midi au Musée et Jardins du Canal du Midi. L'entrée habituellement de 5 euros est gratuite aujourd'hui. 

Haute-Garonne

Le musée se compose de 6 salles dont une sert de salle de projection et l'autre fait office de magasin à l'entrée. Il est très agréable, très instructif à condition d'aimer la lecture... 😉 
Et de la lecture, il y en a ! D'ailleurs, je vais utiliser un peu de toute cette prose pour mon compte-rendu en essayant de le rendre le plus concis possible.



Buste de Pierre-Paul Riquet

Les enfants aussi sont mis à contribution.

Au fait, qui est Pierre-Paul Riquet ? 

On ne peut parler de P-P Riquet sans parler du Canal et inversement.
En effet, sa vie est étroitement liée à la construction de celui-ci auquel il consacrera une partie de sa fortune.

Né entre 1604 et 1609, il s'installe en 1648 avec femme et enfants dans le Lauragais. Il est alors Juge Royal à Revel. Il acquiert tour à tour la Seigneurie de Bon Repos (un domaine de 210 hectares), 4 métairies, un hôtel particulier à Toulouse et le domaine de Frescaty.
Riquet a bâti sa fortune en percevant la gabelle (impôt sur le sel) après avoir acheté une charge et fait carrière dans l'administration royale. A l'époque les fonctionnaires n'étaient redevables que d'une partie des impôts collectés jusqu'à ce que Colbert mette fin à cette pratique. 
En 1660, il obtient de hautes fonctions et devient fermier général du Languedoc et de Cerdagne.

A cause des routes en mauvais état et plutôt mal famées rendant les transports terrestres longs, dangereux et onéreux, le transport des marchandises se faisait essentiellement par voie d'eau.
Ce constat amène Riquet à vouloir construire un canal pour transporter le sel.
Il élabore alors des systèmes hydrauliques miniatures sur ses terres. Il peaufine ce projet pendant 10 ans avant de le soumettre à Colbert : Construire un canal pour relier l'océan atlantique à la mer méditerranée.

En 1665, ce projet examiné par une commission de 4 experts sur ordre de Louis XIV, reçoit l'assentiment de ces derniers.
En 1666, Louis XIV ordonne la construction du canal.
En 1667, les premiers travaux débutent et devraient durer 8 ans (Système d'alimentation de la Montagne Noire, section du canal reliant Toulouse à Trèbes, section du canal reliant Toulouse à Naurouze).
En 1668, Riquet achète le fief et les péages du canal, devenant ""Seigneur du canal du Languedoc", il percevra pour son compte les taxes instituées sur les marchandises et les personnes transportées." Dans le même temps, il propose de prolonger le Canal jusqu'à l'étang de Thau. Cette 2ème phase de travaux prévue pour durer 8 ans comprend aussi la construction du port de Sète.
En 1680, Riquet meurt.

En 1686, Vauban sur ordre du roi inspecte le Canal et propose quelques modifications et améliorations, tout en louant l'oeuvre de Riquet.
En 1778, le barrage de Lampy est construit pour palier à l'insuffisance en eau du réservoir de Saint-Ferréol.

Voilà, grosso modo les grandes dates de la vie de Riquet.





2000, 8000 voire 12000 ouvriers travaillaient sur les chantiers, des hommes surtout mais aussi quelques femmes et enfants. Ils venaient pour l'essentiel du monde agricole et vivaient aux alentours, mais cette main-d'oeuvre délaissait le Canal au moment des moissons et vendanges. 
Ils côtoyaient une main-d'oeuvre plus qualifiée avec les artisans : tailleurs de pierre, charpentiers, maçons, tulliers, mineurs ou pétardiers, forgerons, cloutiers, maréchaux-ferrants et charretiers. 
Les travaux de terrassement étaient faits au moyen de pelles, pioches et houes en ce qui concernait les sols terreux ou sablonneux, on avait recours à la poudre pour les sols rocheux. Quant aux femmes et aux enfants, ils déblayaient la terre à l'aide de paniers et civières pour former les futurs chemins de halage.
Ils bénéficiaient de conditions de salaires avantageuses, ils étaient payés les jours fériés et les dimanches, les jours de pluie, les jours de maladie.




Il ne faut pas oublier que le Canal terminé c'est aussi toute une infrastructure à mettre en place :

  • Les relais pour avoir des chevaux frais, ces derniers tirant les barques du chemin de halage. Celles-ci faisant environ 20 m de long et contenant 60 tonnes (puis environ 120 tonnes au début du 19e siècle).
  • Les écuries, disposées tout le long du Canal pour accueillir bêtes et postillons.
  • Au début du 19e siècle, le Canal comptait une vingtaine de ports.
  • Les entrepôts nécessaires pour entreposer les marchandises.
  • Six auberges pour permettre aux voyageurs (les plus fortunés) de se restaurer à midi et d'y passer la nuit.
  • Les chapelles mises à disposition près de tous ces arrêts jusqu'à la Révolution française, elles seront utilisées après comme entrepôts.
  • 12 moulins, sources de revenus pour l'administration du Canal, pour favoriser l'exportation des produits.
  • ...sans compter les lavoirs, abreuvoirs mis à disposition des populations riveraines.


L'évolution et le devenir du Canal :

En 1680, les voyageurs et leurs bagages changent de barque à chaque écluse et sont accueillis pour la nuit dans les auberges. Il y a environ 340 voyageurs par mois.
A partir de 1826, la navigation est autorisée de nuit, les voyageurs ne changent plus de barque à chaque écluse.
En 1856, plus de 8000 voyageurs empruntent le Canal chaque mois.
La barque de poste prend fin en 1858 avec l'arrivée du chemin de fer.
A partir de 1930, les péniches à moteur remplacent la traction animale. 1989 marque la fin de la batellerie marchande.

Il était beau ce bassin, mais il n'a pas reçu l'assentiment de Colbert.




Quelques ouvrages le long du Canal ont demandé un peu plus d'énergie et/ou de savoir-faire :
  • le pont-canal du Répudre
  • le tunnel du Malpas (afin de passer la colline d'Ensérune)
  • les écluses de Fonsérannes
  • l'écluse ronde d'Agde (avec ses trois portes et ses trois niveaux)




Que d'instruments qui pour certains sont insolites aujourd'hui : l'alidade, le graphomètre, le niveau à eau, l'équerre d'arpenteur, le pantomètre, le théodolite, le tachéomètre, la chaîne d'arpenteur...
En voici quelques-un :








Oh ! Je n'avais pas vu le Canal sous cet angle.


On œuvrait souvent sur le Canal de père en fils mais les femmes avaient aussi leur part de travail. Elles étaient chargées par exemple de rempoissonner le Canal. Elles géraient la frayère, des œufs fécondés jusqu'à la naissance des truites.



Le Canal est en constante évolution. 
Avec son léger envasement, il n'est profond aujourd'hui que de 1.80 m, au lieu de 2 m à l'origine.
Et l'on ne peut penser au Canal s'en faire référence à ces beaux platanes centenaires qui bordent les chemins de halage.
Micocouliers et Robiniers ont en partie été remplacés à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle par des platanes. Jusqu'à 42 000 platanes ont été plantés soit 82 %  des arbres. Mais le chancre coloré menace ceux-ci aujourd'hui et ces dix dernières années pas moins de 14 000 platanes ont dû être abattus. 
Il va falloir s'attendre à voir le Canal autrement.



Pas encore blasés ? Encore un peu de lecture alors ?
"SAINT-FERREOL : Le parc du Musée du Canal
Le parc de Saint-Ferréol s'étend sur 10 ha environ, en aval de la digue qui ferme le réservoir (67 ha) sur son côté sud-ouest. La partie contiguë au Musée du Canal occupe un vallon aux versants abrupts, sorte de verrou rocheux. Cette configuration a permis à Pierre-Paul Riquet l'édification de la digue entre 1667 et 1681.
Le parc un élément à part entière du barrage de Saint-Ferréol
Contrefort de la digue
Grâce à son talus et au mur monumental construit en 1687 par Vauban pour contenir les poussées du barrage, le parc joue le rôle de contrefort. Le mur de Vauban est percé de deux ouvertures conduisant aux galeries souterraines : la Voûte des robinets (galerie d'accès à la chambre des vannes, à mi-hauteur) et la Voûte de vidange (évacuation de l'eau du réservoir, en bas).
Depuis la création de la digue, l'ouvrage et ses abords ont nécessité une surveillance permanente et de nombreuses réparations pour maintenir leur étanchéité. Le Musée, anciennement appelé Maison de l'Ingénieur, permettait le logement des responsables et des personnels d'entretien.
Le réseau hydraulique des rigoles
- Les cascades du versant nord. Ce sont : la rigole du trop-plein, en provenance de l'épanchoir ; la rigole de décharge, en provenance de la vanne de la Badorque. Ces dernières installations, placées sur la digue, permettent de réguler le niveau des eaux du barrage ou les besoins en eau spécifiques du Canal. 
- Au fond du vallon : la rigole de vidange du réservoir qui alimente régulièrement le Canal du Midi.
- Quelques dizaines de mètres plus bas, cette dernière rencontre la rigole de dérivation, appelée aussi rigole de ceinture parce qu'elle contourne le réservoir par le sud pour canaliser les apports en excès de la Montagne Noire.
- Les eaux des deux rigoles rassemblées (Le Laudot) dévalent la pente jusqu'au lieu-dit Thomasses (Saint-Félix-Lauragais) où elles rejoignent la Rigole de la Plaine.
Un jardin d'agrément
Les premiers arbres, mis en place à partir de 1766 avec, pour fonction, de maintenir le talus, répondent déjà à un souci esthétique. Vers 1820-30, embelli par les plantations successives (en majorité chênes et pins), le parc devient un lieu de promenade. L'installation de la gerbe d'eau en 1855 le consacre comme jardin d'agrément.
Le parc de Saint-Ferréol évoque le style paysager romantique, né à la fin du 18e siècle et très en vogue au début du 19e siècle. On y trouve, en réduction, tous les éléments chers aux peintres et aux écrivains romantiques (rochers, cascades, conifères...), éléments empruntés à une nature d'altitude ressentie comme sauvage. A cela s'ajoute, dans le fond du vallon, la mise en scène du mur de Vauban percé par les orifices des galeries : le caractère monumental de l'architecture, le bruit occasionné par le passage des eaux à l'ouverture des robinets, ont ainsi fasciné des générations de visiteurs."

Entrée de la galerie des robinets



Haute-Garonne

En contrebas du parc, dans la continuité de la voûte de Tambour, la galerie des robinets.

Les 3 robinets de bronze installés en 1829

Les robinets pèsent 500 kg chacun et débitent 600 litres d'eau par seconde. Ils ne sont plus utilisés de nos jours.



Haute-Garonne
En contrebas, la voûte de vidange où l'eau du barrage va rejoindre le Canal.

Haute-Garonne

La voûte de vidange


A deux niveaux du barrage, la galerie des robinets et plus bas la voûte de vidange.


Haute-Garonne




Haute-Garonne


Haute-Garonne


Voulant prendre en photo ce joli passage de pierres, j'ai failli perdre mon sang-froid, la personne avec les baskets noires monopolisant le passage. 
Et je me fais un selfie dos à la cascade, encore un, un autre un peu plus à gauche, un autre un peu plus à droite, légèrement baissée, accroupie, j'appelle ma copine,  un autre dos à l'autre cascade... 😧😟😡
Bref, 1/4 d'heure plus tard, la miss a daigné quitter les lieux.



Haute-Garonne



Cela était à l'origine une belle cascade, voir photo ci-dessus.

Nous ne nous enfonçons pas dans le parc et rejoignons le bord du lac.



Le lac est aujourd'hui encore un agréable lieu de promenade.
C'est le 1er barrage construit en France et le plus grand d'Europe à la fin du XVIIème siècle. Il a pour but de retenir l'eau des rivières de la Montagne Noire pour alimenter le Canal du Midi surtout en été.
350 m de long et 27 m de haut tel qu'il a été conçu par Riquet, puis 786 m de long et 35 m de haut à la fin du XVIIème siècle après que Vauban ait entrepris des travaux supplémentaires à la demande de Louis XIV. A son plus haut niveau, il occupe une superficie de 67 hectares.


Haute-Garonne


Haute-Garonne




Haute-Garonne





Et dire que nous devons tout ceci à Pierre-Paul Riquet...
Quel destin pour un prospecteur d'impôts que d'être le créateur du Canal le plus emblématique de France !

La visite de Revel faite en mai 2018, c'est ICI





3 commentaires:

  1. Très bel exposé que tu nous fais là sur le canal du Midi. Merci

    Eve

    RépondreSupprimer
  2. Merci Brigitte pour tes photos ainsi que pour tes explications très instructives !

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour ce reportage complet, ça nous donne toujours envie d'aller un jour vers le sud ;-)

    RépondreSupprimer