mercredi 3 juillet 2019

Tarn : Andillac et le château du Cayla (juin 2019) 5ème partie


"Maison des Illustres"


* Les points rouges concernent l'article du jour.


Pour voir le début de cette virée tarnaise - cf. ICI


Tarn


Capture d'écran "Via Michelin" et localisation de notre stationnement au village.

En attendant d'aller faire un tour au village qui se trouve à presque 2 kilomètres d'ici, nous sommes stationnés au pied du château. 


Château est un bien grand mot je trouve pour cette gentilhommière nichée au creux des vallons du Tarn sur la commune d'Andillac.

Mais "Symphonie pastorale" est une expression qui sied à merveille au site qui concentre poésie et charme.

Cette maison d'écrivains ne se découvre qu'en visite guidée.

Construite au XVème siècle, la bâtisse s'est agrandie, transformée au fil du temps. La gentilhommière du Cayla a vu naître au début du XIXème siècle, Eugénie et Maurice de Guérin, devenus très jeunes, orphelins de leur mère. 
Eugénie gérait le domaine alors que Maurice cherchait une voie autre que la prêtrise à laquelle son statut de cadet le destinait. Le frère et la soeur, épris d'écriture n'ont eu de cesse de dépeindre leur vie, et leur oeuvre est toute imprégnée de la beauté de ce lieu champêtre. 
Contemporains de Lamartine et de Victor Hugo, Maurice est surtout connu pour ses poèmes en prose tels le "Centaure" et "La Bacchante" et son journal intime "Le Cahier Vert" et Eugénie nous a laissé les cahiers sur lesquels elle tenait les comptes du domaine, le journal destiné à son frère et sa correspondance assidue avec Louise de Bayne et  quelques membres de sa famille.

Devenue ainsi lieu de mémoire, la maison est un témoin privilégié de la vie quotidienne de cette famille de petite noblesse et à travers celle-ci de ce que pouvait être la vie rurale tarnaise au XIXème siècle.


L'exposition "Des femmes à la campagne" nous accapare dès la porte de la grange franchie avec quelques photos de Philippe Grollier accrochées sur les murs.




Tickets en poche, nous suivons le guide qui nous conduit sur les pas de Maurice et d'Eugénie...


Andillac Tarn


Face à la maison des maîtres se trouvent les bâtiments de ferme. Les terres et les bêtes, permettaient à la famille de vivre en complète autarcie.

La ferme


La cuisine a conservé son allure d'antan avec sa grande table en bois, sa cheminée et la paillasse destinée à recevoir les braises...


...seul le robinet de l'évier est anachronique mais ce n'est vraiment qu'un détail quant au fer, il ne demande qu'à reprendre du service !


Dans l'alcove, le lit est même fait, prêt à recevoir les rêves de la cuisinière.


Le bureau :



Dans la chambre des parents, subsiste la bibliothèque d'Eugénie avec tous ses livres.



La chambre de Maurice et le lit dans lequel il est décédé à l'âge de 28 ans, quelques mois seulement après son mariage avec Caroline de Gervain.



Contiguë à celle de Maurice,  se trouve la chambre d'Eugénie. Celle-ci avait porté son dévolu sur cette pièce minuscule où un lit et une table occupent tout l'espace afin de profiter du meilleur ensoleillement et d'une jolie vue.


La pièce insolite du salon est la cheminée. Imposante, elle occupe quasiment tout un pan de mur hormis la porte donnant sur la chambre de Maurice et celle du "cabinet des archives" où se trouvent quelques écrits authentiques des deux écrivains.
Outre les cariatides, le panneau central présente Eugénie et son frère assis au pied d'un arbre.








Carreau de dentellière ayant appartenu à Eugénie.

Sacs de voyages ayant appartenu aux de Guérin, celui rayé étant celui de Maurice.

Le "cabinet des archives" recèle de nombreux documents écrits de la famille de Guérin.


Extrait du "Cahier Vert" Octobre 1835 MG

Hormis la cuisine, le rez-de-chaussée est consacré à l'exposition "Des femmes à la campagne", laquelle se présente dans une ambiance violine assez inattendue. Référence au lilas de nos campagnes ?


Un bien trop long texte à recopier ci-dessous, à consulter ICI.



Oh ! En tant que femme, je ne sais pas vraiment comment interpréter ce dicton...



Contre le mur de la ferme, sous la glycine,  un extrait du Journal de Maurice que je n'avais pas vu tout à l'heure :
"La métairie
Voici bientôt trois mois et demi que je suis à la campagne, sous le toit paternel, at home (délicieuse expression anglaise qui résume tout le chez soi), au centre d'un horizon chéri. J'ai vu le printemps, et le printemps au large, libre, dégagé de toute contrainte, jetant fleurs et verdure à son caprice, courant comme un enfant folâtre par nos vallons et nos collines, étalant conceptions sublimes et fantaisies gracieuses, rapprochant les genres, harmonisant les contrastes à la manière ou plutôt pour l'exemple des grands artistes.
Maurice de Guérin - Journal, 10 juillet 1832, extrait." 

Le guide nous conseille de retourner au cc par le "sentier poétique", la différence par rapport à la route est infime et à défaut de faire le grand parcours de 2.5 km, nous restons dans l'ambiance.


Entre senteurs de campagne, buissière, traversée de champ et passage d'un petit pont en bois, le sentier est agrémenté des écrits d'Eugénie et Maurice. C'est une jolie façon de quitter les lieux, comme bercés par les mots qui s'envolent doucement dans les airs...


"L'allée de buis
Quand je sors pour la promenade, bien disposé et débarrassé de tout souci, je sens poindre au fond de mon âme dès les premiers pas, une joie d'un ordre inaccoutumé et d'une vivacité singulière. A mesure que je gagne dans la campagne, elle monte et s'étend, tantôt avec un progrès très rapide, tantôt lentement, suivant les accidents de la course et le temps qu'il me faut pour arriver au plus beau de ma promenade. aussitôt que j'y suis parvenu, que je me suis posté à ma fantaisie et toujours de manière à recevoir au vif et de toutes parts les impressions de l'horizon qui m'entoure, ce sentiment progressif d'une indéfinissable volupté acquiert sa plénitude, se répand dans tout mon être et le comble.
Maurice de Guérin - Journal, 16 juillet 1834, extrait" 


"Trouvé dans un livre une feuille de rose flétrie, Qui sait depuis quand ! Je me le demande en revenant sur les printemps passés, sur les jours et les lieux où cette rose à fleuri ; mais rien ne revient de ces choses perdues. Ce n'est pas un malheur d'être une fleur sans date. Tout ce qui prend mystère a du charme. Cette feuille dans ce livre m'intéresse plus qu'elle n'eût pu faire sur sa rose et son rosier. J'en ai quitté de lire. Pour peu qu'on ait l'âme réflechissante, il y a de quoi s'arrêter à chaque instant et se mettre en pensée que ce qui se présente dans la vie. Le front sur une fleur, je pensais à la tombe.
Eugénie de Guérin -  Journal, 10 novembre 1839"




"Le bois des Sept-Fonts
...
Je suis errant, François, et longtemps le serai,
Et j'irai par pays, et je cheminerai,
Tirant à l'aventure et n'ayant d'autres guides
Que les oiseaux du ciel, dont les ailes rapides
Bruissent dans les airs, et, par leur sifflement,
Réjouissent le cœur du pèlerin tremblant
Que la lune a surpris dans la lande sauvage.
Dieu n'a point tracé la carte du voyage... 

Maurice de Guérin - Lettre à François du Breil de Marzan, août  1833."


"Le bois des Sept-Fonts
Visite rare, conversation distinguée. Il passe par intervalle quelque passant aimable au Cayla, le grand désert vide, ou peuplé à peu près comme était la terre avant qu'y parût l'homme. On y passe des jours à ne voir que des moutons, à n'entendre que des oiseaux. Solitude qui n'est pas sans charme pour l'âme non liée au monde, désabusée du monde.
Eugénie de Guérin - Journal, 1er juin 1840" 


Un peu plus loin, un peu comme un écho au texte précédent : 


"Le bois des Sept-Fonts
Cette fille a un talent délicieux, et dont elle ne se doutait pas. Le charme des charmes ! L'avoir et l'ignorer ! Oui, les moindres petites parcelles de phrases qui tombaient de sa plume étaient divines ! De quel pays était la tourterelle ou le flamant rose qui avait laissé tomber, en passant, cette étrange graine de poésie dans ce pauvre pot de résédas mourant sur la petite terrasse du Cayla... Je ne l'ai jamais su, mais je trouve vraiment à cette touffe séchée une odeur qui n'est ni dans les vanilles ni dans les volkamérias de la terre ! Cela est suave et chaud comme si cela venait du ciel en passant par le soleil.
Jules Barbey d'Aurevilly - Lettre à Trébutien, 28 janvier  1854, à propos d'Eugénie de Guérin"

Nous croisons une belle orchidée dans le champ. Même si j'hésite entre l'Orchis mâle et l'Orchis moucheron (assez similaires), je penche pour l'Orchis moucheron.



Quelques écrits plus loin :
"Le bois des Sept-Fonts
Il y a dans les bois du Cayla, sous un enfoncement, une grotte taillée en forme de chaire, où (Maurice) montait et qui fut appelée pour cela la chaire de Chrysostome.
Eugénie de Guérin - Témoignage, 1840" 



"Mon destin s'est formé dans l'épaisseur des bois.
J'ai grandi, recouvert d'une chaleur sauvage, 
Et le vent qui rompait le tissu de l'ombrage
Me découvrit le ciel pour la première fois.
Les faveurs de nos dieux m'ont touché dès l'enfance ;
Mes plus jeunes regards ont aimé les forêts,
Et mes plus jeunes pas ont suivi le silence
Qui m'entraînait bien loin dans l'ombre et les secrets. 

Maurice de Guérin - Glaucus, extrait." 




"Le lavoir
Une journée à étendre une lessive laisse peu à dire.  C'est cependant assez joli que d'étendre du linge blanc sur l'herbe ou de le voir flotter sur les cordes. On est, si l'on veut, la Nausicaa d'Homère ou une de ces princesses de la Bible qui lavaient les tuniques de leurs frères.
Eugénie de Guérin - Journal, 9 mai 1837" 

Et le lavoir, nous y sommes, il est des plus rudimentaire, en contrebas de notre cc :


Le soleil daigne avant de partir darder la bâtisse de ses rayons alors que...

Andillac Tarn

...nous dégustons la tarte aux pommes faite ce matin alors que l'averse tombait drue sur le village de Senouillac.



Nous nous déplaçons guère loin, jusqu'au village d'Andillac. Précautionneux, nous nous garons en périphérie entre maisons et vignoble.
C'est un tout petit village, composé de quelques maisons seulement avec cependant son église accolée au cimetière, sa mairie et son monument aux morts.



Le ciel depuis ce matin nous honore de tous les tons de bleus et de gris dont il dispose, si c'est bien pour les photos, ce l'est moins pour nous qui hésitons sans cesse sur le fait de prendre ou de laisser le parapluie.



Tarn

Tarn

Tarn




Retranscription en PDF pour une lecture plus aisée. - cf. ICI

C'est tout ce que nous verrons de l'église qui ne déroge pas à la tendance actuelle avec ses portes fermées.

Près de la porte de l'église, la tombe de Maurice et Eugénie de Guérin.



Tarn


De l'autre côté de l'église, face au vignoble gaillacois, le monument aux Morts :




Tarn


Une seule rue traverse le village, nous avons vite fait de la parcourir.
La silhouette d'un pigeonnier se découpe dans le lointain...


...alors que tout près, un autre pigeonnier se détache au milieu des ceps de vigne.


Tarn

Tarn




Une petite anecdote à propos de ce champ :
A Castelnau-de-Lévis, j'ai expliqué à mon petit-fils de cinq ans la dangerosité des "spigaous" (en Provence), "épillés" (dans le Tarn), ailleurs je ne saurais dire...donc je lui ai raconté la dangerosité des spigaous pour nos amis canins, les blessures qu'ils étaient susceptibles de leur causer.
Et en voyant ce beau champ de blé, il s'est écrié "Mamie, tu as vu, un champ de spigaous !" 
Et me voilà partie, sur l'explication du blé, des grains à moudre, des moulins...............

Tarn



Et c'est sur cette belle touffe d'acanthes qui ne dépareille pas de cette visite bucolique que je vous dis à bientôt, le temps d'écrire la suite de cette balade. 😉

La suite de cette balade - cf. ICI


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2 commentaires:

  1. Et bien, on vous suit avec un plaisir non dissimulé lors de telles découvertes !!!!
    Entre les pierres, les intérieurs, la cheminée (j'adore !!! mais elle est en quoi stp ? Bois, plâtre ?? Je n'ai pas réussi à deviner), les fleurs et les mots, pfiouuuuuu
    je me suis délectée !!!
    Une promenade bucolique, romantique et poétique, un petit régal !
    MERCI !!!!
    Cath

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  2. Bonjour et merci Cath pour ton message. Après quelques recherches sur la composition de la cheminée, il semble qu'elle est en pierre blanche. J'ai trouvé cette info sur le site de l'Académie Française, dans l'article "Au Cayla, chez Eugénie et Maurice de Guérin. Discours du secrétaire perpétuel.", le lien du site : http://www.academie-francaise.fr/au-cayla-chez-eugenie-et-maurice-de-guerin-discours-du-secretaire-perpetuel

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